ADHYATMA DARSHANAM

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BHAGAVAD GITA NAVA GNYANARTHA DARSHANAM
 

AVANT-PROPOS

Il est tout à fait compréhensible qu’après la publication de Adhyâtmâ Râmâyana: L’Enseignement Spirituel du Râmâyana (le premier volume de la série: mieux connaître l’hindouisme), on enchaîne avec le décryptage de la Bhagavad Gîtâ. Le but principal consiste à présenter une vision [darshanam] et une compréhension [artha] moderne [nava] de la connaissance [gnyâna] de la Bhagavad Gîtâ, d’où le titre Bhagavad Gîtâ Nava-gnyânârtha Darshanam. 

 Les maîtres spirituels de toutes les époques ont toujours souhaité que chacun puisse avoir l’opportunité et les moyens nécessaires afin de mieux comprendre, apprécier et pratiquer sa religion. En effet, qu’est ce qu’un hindou sans les Védas, le Râmâyana et la Bhagavad Gîtâ?  Pour une grande majorité d’hindous, c'est le Râmâyana et la Bhagavad Gîtâ qui constituent l’essence (le jus concentré) de la philosophie védique.  Car, n'est-il pas bien plus simple de comprendre et de pratiquer les enseignements védiques à travers les guides pratiques que sont Râmâyana et Bhagavad Gîtâ? 

 Les maîtres spirituels ont également expliqué que le moyen le plus facile et efficace d’apporter la paix dans la société et dans le monde est à travers la connaissance et la pratique de la spiritualité.  Ainsi, chaque aspirant de chaque religion doit s’efforcer de mieux connaître et pratiquer sa religion.  Ensuite il doit réaliser qu’il y a:

une seule religion, celle de l’Amour

une seule grande famille, l’Humanité

un seul langage, celui  du Cœur

un seul vrai Dieu, qui est Omniprésent.

Puisque le but principal de toutes les religions est de produire un bon être humain dans une bonne société, il est donc impensable qu’un vrai hindou puisse s’attaquer à son frère musulman et vice versa.  La plus grande illusion religieuse consiste à croire que chaque religion possède son propre Dieu, qui s’occupe uniquement de ceux qui le conçoivent et l’adorent d’une façon particulière.  En vérité, il y a une seule source cosmique, un seul Dieu pour toute la création.  Selon les Védas et la Bhagavad Gîtâ, cette source mystérieuse se trouve indistinctement au plus profond de chaque entité.  L’ignorance et l’esprit immature et la déraison sont les principaux facteurs responsables des conflits religieux qui terrassent le monde.  L’objectif principal, visé à travers ce présent ouvrage, est d’offrir aux hindous une solide base spirituelle et une connaissance approfondie de leur religion.  En même temps, on essayera de leur faire découvrir les beautés et richesses universelles que recèlent leurs écritures. Mais il faut reconnaître que la Bhagavad Gîtâ ne s’adresse pas uniquement aux hindous mais à toute l’humanité qui a le devoir et la responsabilité de faire face à son destin.

Une approche moderne de la Bhagavad Gîtâ est importante afin que l’homme moderne puisse se sentir à l’aise avec sa religion.  Bhagavad Gîtâ est un océan de la sagesse spirituelle où toutes les rivières de la connaissance viennent se fusionner.  Par exemple, la Bhagavad Gîta nous instruit sur la nature de l’âme, l’art de vivre, les dimensions de l’existence et de l’homme, les expériences après la mort, le paradis, l’enfer, le nirvâna, la réincarnation sélective ou restreinte pour les yogis, la réincarnation générale pour les gens ayant une conscience strictement mondaine, le recyclage de la matière, la loi des causes et conséquences [karma], l’effet de l’héritage génétique [sampada- capital héréditaire] des ancêtres sur les générations futures, l’importance de l’environnement, la nature d’une personne sage, la nature innée de l’humain, la méditation, les forces qui dominent le quotidien de l’humain et, surtout, la façon de transcender toutes les limitations et d’être un avec L’Etre.  Tous ces sujets sont traités en profondeur dans la Bhagavad Gîta, qui est un guide toute l’humanité, puisqu’elle traite de tous les sujets spirituels.  C'est pour cela que Krishna est considéré comme le Poûrna Avatâra, Le Parfait Représentant et Le Porte-parole par excellence de La Suprême Vérité. 

Dans la Bhagavad Gîtâ, il y a la sagesse du Bouddha, la force morale de Muhammad, la compassion du Christ et la sensibilté du Parsi Zoroastre.  Chez tous ces maîtres (Narâkâra-Gourous), le Adhiyagnya [la divine conscience] s’est manifesté à des degrés différents, dans des cultures différentes et à des époques différentes. Il est essentiel de comprendre que les religions émanent d’une seule et unique Source Divine: Adhidaiva (Consultez la couverture du livre).  Gîtâ met l’emphase sur l'approche de cette unique Source cosmique tout comme c’est le cas de la Bible et le Coran.  De plus, la Bhagavad Gîtâ ne fait aucune mention d’idolâtrie, d’organisation spirituelle, de temple et de rites compliqués.  L’Etre Suprême [Adhiyagnya- la Conscience Parfaite de l'Ame] habite un seul endroit- au fond  du coeur spirituel des entités, qui sont les vrais temples vivants de Eternel et de l’Infini.  Adhiyagnya c'est le Divin [Ya] qui est à la base [Adhi] de toute expérience et réalisation [Gnya].  Yagnyo Vai Vishnouh: Il est l’Etre éternel, pur et omniprésent [Vishnou], qui préserve et maintient toute la création grâce à Sa Présence.  Sa forme essentielle est Pragnya: la pure conscience intérieure [Shiva] dont l'être humain fait occasionnellement l’expérience quand son esprit est calme et quand ses impulsions sont au repos. En effet, les trois thèmes essentiels à comprendre dans la Bhagavad Gîtâ sont : Pragnya, Kshetragnya et Adhiyagnya. Brièvement, Pragnya est la pure conscience, l’attention totale dans le présent. Kshetragnya est la pure conscience [comme le sujet, le connaisseur] braquée sur le champ des objets de la conscience. La pure conscience consciente de tout ce qui lui est extérieur et connaissable, donc de tous ses objets, y compris les pensées, le penseur des pensées, l’ego.  Adhiyagnya est la pure conscience consciente d’elle-même comme la suprême vérité, la base de toute l’existence. Adhiyagnya est le Je Pur qui réalise Son vrai Moi dans l’absolu comme l’absolu. C’est cela le suprême secret de la réalisation spirituelle, Adhyâtmâ Darshanam Rahasyauttamam.

On espère que vous allez accueillir ce livre avec autant de plaisir et d’enthousiasme que aviez démontré pour le Adhyâtmâ Râmâyana.  Bonne lecture.

Koosraj Kora Venciah

Chemin Grenier S.C

kkoosraj@intnet.mu

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EKASHLOKI MAHÂBHÂRATAM

L’histoire du Mahâbhârata en un seul verset:

          âdau pândava dhârtarâshtra jananam

                   lâkshagrihe dâhanam

          dyoûte shrî haranam vane vicharanam

                   matsyâlaye vartanam

          lîlâ gograhanam rane viharanam

                   sandhikriyâ jrimbhanam

          pashchâd bhîshma souyodhanâdi dahanam

                   chaitan mahâbhâratam

L’histoire commence [âdau] avec la naissance [jananam] des enfants des deux princes Pândou et de Dhritarâshtra;

-par la suite, il y a l’incendie [dâhanam] criminel de la maison de  laque [lâkshâ-grihe] occupée par les cinq Pândavas. Grâce à l’aide de leur once, Vidoura, les Pândavas réussissent à s’échapper du piège mortel orchestré par Douryodhana, le chef de file des Kauravas;

-ensuite les Pândavas perdent [haranam] tous leurs biens [shri] pendant une partie de dé truquée [dyoute] organisée par Douryodhana, Shakouni et les autres complices, et Draupadi [shri] perd [haranam] sa dignité publiquement devant le roi Dhritarâshtra, les maîtres Drona et Kripa, et le grand-père Bhishma;      

-ensuite c’est l’exil des cinq Pândavas et de Draupadi dans la forêt [vane vicharanam];

-les Pândavas trouvent refuge au pays de Matsyâ [matsyâlaye vartatam],

-afin de ne pas être reconnus, ils se déguisent et jouent des rôles assez étranges [lîlâs gograhanam]

-à la fin de l’exil, ils livrent bataille [rane] contre les envahisseurs du territoire de leur hôte et les vainquent [viharanam] ; mais ils sont reconnus;         

-ensuite c’est l’échec des négociations de paix [sandhikriyâ] entre Pândavas et Kauravas;

-finalement c’est l’épisode de la guerre de Kouroukshetra, où Bhishma, Karna, Abhimanyou, Drona, Douryodhana et les autres trouvent la mort [dahanam]. 

-C’est cela l’essentiel de l’histoire du Mahâbhârata.

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INTRODUCTION

Bhagavad Gitâ se traduit comme Le Chant/La Voix [Gîtâ] de L’Etre Suprême [Bhagavat].  A travers La Bhagavad Gitâ, AUM ou Hari-Nârâyana --L’Etre Suprême Divin, par le biais de Son Incarnation/représentant en la personne de Krishna (celui en qui rayonne La Conscience Divine) a éclairé l’esprit de Arjouna (Nara- fils/représentant de l’homme possédant une conscience claire). Arjouna est aussi connu comme Pândava, l’homme éveillé qui est sans préjugé, et Pârtha- noble fils de la terre [prithvi] qui a hérité d’un bon l'héritage spirituel [Daivi Sampada] de ses ancêtres.  Gitâ fait partie, et figure au centre, du Mahâbhârata, une grande légende racontée par le sage Vedavyâsa.  Selon la légende, avant d’écrire cet épique, Vyâsa a invoqué l’aide de Ganesha, le symbole de la suprême intelligence.  Gitâ, le livre de la sagesse éternelle, est un dialogue entre Shri Krishna, maître suprême de Yoga, et Son cousin Arjouna.  Le dialogue se déroule au centre du champ de bataille à Kouroukshetra [le monde de l’action], Karmakshetra [le monde des actions et des conséquences], où les Pândavas et leurs cousins égoïstes, les Kauravas, se sont rassemblés pour faire la guerre en vue de rétablir la justice et la droiture. 

Cette guerre spirituelle [dharma-youddha] peut être vue à deux niveaux : le plan extérieur [Kouroukshetra] et le plan intérieur [Dharmakshetra].  Sur le plan intérieur, la bataille est engagée entre les forces de l’ignorance/ de l’inconscience (les enfants du roi aveugle Dhritarâshtra: l'ambition aveugle, un mélange de rajas et tamas) et les forces de lumière (les enfants de Pândou: l'esprit mature et clair qui est sans préjugé—rajas et sattva).  Sur le plan extérieur, c’est une bataille entre la vertu et l’immoralité; entre les forces de l’ordre et de la justice [dharma] d’un coté, et les forces de l’injustice et de l’anarchie [adharma] de l’autre.

Dans la Bhagavad Gitâ, Krishna incarne à la fois un Avatâra [l'action libre et éclairée de l"âme chez un être humain accompli], un Maître Suprême du Yoga [Yogeshvara] et aussi la Suprême Conscience Spirituelle [Adhiyagnya] qui reste après que les enveloppes de l'âme (koshas) ont été sacrifiés  dans le feu [yagnya] de la méditation.  Adhiyagnya est la dimension divine qui se trouve au plus profond  du coeur spirituel de toutes les créatures.  Adhi signifie un l’état ou une dimension de base.  Yagnya est littéralement le sacrifice par le feu et un acte d'adoration, mais essentiellement c’est le chemin qui mène vers la réalisation [gnya] de la suprême vérité [Ya].   Adhiyagnya est la Pure Conscience Originelle Incréée et Indestructible, qui est à la base de toute l’existence (Kshetragnya), et qui est l’unique principe sacré. L’adoration de cette dimension sacrée à travers les rites et cérémonies ne fait que nous éloigner de la vérité suprême que nous sommes essentiellement. Il faut seulement l’être et s’en réjouir. 

Ainsi Adhiyagnya se manifeste comme la dimension spirituelle de base [Pragnya/ Chit] en chacun de nous et qui rend la réalisation de la Vérité possible.  C’est pour cela que Adhiyagnya a été considéré comme la Base de Brahman, la Vérité Absolue, Satyam, Sat.  Sans l’éveil de Adhiyagnya en nous, il est impossible de réaliser Brahman, La Suprême Vérité que nous sommes essentiellement.  Une fois qu’Il s’est réveillé, et que nous soumettons notre destin entièrement sous Son Pouvoir, Il se manifeste comme le Gourou Intérieur, le Sârathi, le Guide parfait et le Chauffeur expert dont le  but est de nous conduire à la réalisation divine [Moksha] de notre être.  Si l’on se souvient, quelques temps avant la guerre, Krishna dormait chez Lui. Arjouna et Douryodhana Lui ont rendu visite en vue de solliciter Son aide dans la grande bataille.  Douryodhana avait demandé de Krishna son armée, qui représente l’aspect matériel [Mâyâ], tandis que Arjouna avait simplement réclamé la présence de Krishna comme son chauffeur [Sârathi], son guide, son gourou.

Selon l'hindouisme, le mot «Gou-rou» signifie: ‘Gounarahitam:-l’état de conscience qui est au-delà des trois gounas (modifications) et ‘Roupavarjitam’ :-l’état de conscience qui est sans forme et sans limitation (roupa).  Cela nous donne une indication claire sur la vraie nature de Krishna, le Jagadgourou, le guide universel.  Dans la Bhagavad Gîtâ, Krishna, ou plus précisément La Conscience Divine chez le maître Krishna, prend la forme de Adhiyagnya, Avatâra, Antaryâmi, Sârathi et Jagadgourou. Il enseigne une méthode universelle grâce à laquelle il est facile de traverser le parcours de la vie sans regret, sans stress, sans désespoir et sans la peur.  Il a aussi démontré un chemin pratique et mystique qui assure le bonheur complet et le progrès à tous les niveaux de la vie.

Ainsi quand on étudie la Bhagavad Gîtâ, il est extrêmement important de toujours identifier Krishna comme un Maître Suprême du Yoga qui est illuminé par la Pure Conscience Indestructible de la Divinité, et donc qui est en union avec L’Etre Suprême [Krishnas tou Bhagvân Svayam].  Krishna nous a désigné l’état suprême qu’une personne peut aspirer à atteindre grâce à la pratique de Yoga.  Si cet état dont Krishna a décrit avec tant de beauté et de finesse n’est pas accessible à un individu alors on peut conclure que la Bhagavad Gîtâ n’est qu’un traité philosophique sans aucune valeur pratique.  Mais tel n’est certainement pas le cas car Bhagavad Gîtâ est une exhortation à l’action guidée par une connaissance illuminatrice et libératrice. Gîtâ est également un dialogue mystique et intuitif entre la conscience éveillé d’un aspirant spirituel [Pârtha] et la Pure Conscience Illuminée de l’Etre Suprême [Adhiyagnya] qui s’est manifestée dans le silence de l’état méditatif entre les deux armées constituées de vagues de pensées contradictoires.

Nous apprenons que la sagesse de la Bhagavad Gîtâ avait initialement été révélée par une incarnation de Adhiyagnya à Aditya-Vivasvan [l’humain ayant une conscience illuminée], ensuite à Manou [le protecteur de l'esprit: l’homme civilisé ayant un code de conduite] et ensuite à Ikshvâkou [un Soûryavamshi: celui qui marche dans la lumière de la droiture, et dont la vision (iksha) est guidé par la lumière].  A présent, encore une fois, Adhiyagnya (qui s’est incarné chez Krishna) enseigne cette même science mystique (Adhyâtmâ Darshanam) à Arjouna [l'homme moderne] afin de lui faire découvrir La Vérité, l’Unité dans la diversité et aussi afin d’éliminer sa confusion, son indécision et sa frayeur.  Arjouna L’a accepté comme son Chauffeur et son Guide.  Le Maître Krishna a enseigné Arjouna de Son char, d’où Il répandait la Grâce, la Vision et la Puissance de l’Etre Suprême.  C’est cela qui a permis à Arjouna d’être un héros sans peur, prêt à combattre le mal et à rétablir la justice pour le bien être de tous.  C'est pour cela qu'il est important de se tourner vers Gîtâ quand les attachements mondains obstruent le chemin du devoir, quand l’ambition aveugle recouvre la vision et la compassion, et quand la haine étouffe la voix de l’amour.

Adhiyagnya est le Chauffeur Eternel [Sanâtana Sârathi], qui est présent en la conscience [le char] de tous, tenant les rênes de discernement et le fouet du détachement dans Ses mains.  Il dirige les chevaux des sens (et les koshas- les potentiels et possibilités) et guide l’individu sur le chemin de Satya [la vérité], qui est renforcie par Dharma [la droiture], qui est éclairée par Prema [l’amour] vers Shânti [la paix], le But Suprême.  Au sommet du char flottait le drapeau portant l'emblème de Hanoumân [Kapidhvaja], ce symbole signifie la force de la foi et le dévouement total au service du Bien.

L’étude de Bhagavad Gîtâ agit comme un remède miracle contre les contradictions du monde moderne, contre la vanité de la science et la technologie, et contre l’existence vide, illusoire et superficiel que la société moderne nous propose.  Mais il est surtout important de souligner que Gîtâ est principalement un ouvrage qui s’adresse aux pratiquants [soudhîr- ceux  qui possèdent la maturité de l’intelligence] car Gîtâ met beaucoup d’emphase sur la pratique [Sâdhanâ- l'actualisation] et les attitudes spirituelles.  Chaque chapitre préconise certains moyens et méthodes qui aident à atteindre le but de la Paix et de l’Harmonie. La plus importante qualité à développer est la confiance en soi, en son être, en ses propres capacités à se prendre en charge. Cela devient possible  uniquement si nous restons éveillés et avertis. C’est cette confiance en soi et cette capacité de rester éveillé et averti qui génèrent la foi. Sans la foi, l’humain ne pourra rien accomplir ni s’accomplir.

La façon dont la Bhagavad Gîtâ débute et s’achève donne une indication claire et nette sur le sujet traité.  Le premier verset commence par “Dharmakshetre Kouroukshetre”-c’est à dire le thème principal, le champ [kshetra] d’étude, est Dharma [La Droiture] et Karma [L’Action, l’art d’agir, les conséquences des actes].  Car n’est-il pas vrai que l’homme est entré dans le Karmakshetra [le champ de l’activité] pour agir dans et par une situation donnée et non pour uniquement anticiper et récolter les fruits des actions et activités. S’il se laisse dominer par l’anticipation et les fruits plaisants et profitables des ses actes, il souffrira de la frustration et répandra la souffrance autour de lui. L’homme doit faire le suprême effort de suivre le chemin de la droiture et de la justice [shreyas] combien même pénible et douloureux puisse-t-il apparaître. La voie du plaisir, du pouvoir et de profit personnel [preyas] le conduira éventuellement à la perdition. C’est cela le suprême enseignement de Gîtâ, qui est le Dharma Shâstra [écriture] par excellence.  Le dernier verset de Gîtâ est “Yatra yogeshvarah krishnah”-ce qui nous indique que son but final est le Yoga, la communion totale avec l’Etre Parfait que nous sommes en vérité.  Gîtâ enseigne la soumission totale à l’Unique Etre Suprême et la pratique constante des actions justes et les nobles disciplines qui conduisent au progrès spirituel et au bonheur suprême. Adhidaiva [la divine providence], à travers le Maître Krishna, fait la promesse que quiconconque suivra la voie de Yoga il sera soulagé de son fardeau [Yogakshemam vahâmy aham].

Au sujet de Dharma, Gîtâ nous enseigne que chacun doit suivre et pratiquer le dharma spécifique qui est en accord avec sa disposition naturelle, son tempérament, ses aptitudes, sa vraie culture et son rang social.  Il ne faut jamais agir contre la nature, il faut suivre sa conscience intérieure.  Il est mieux d’organiser sa vie selon les bases spirituelles de sa culture sans toutefois perdre vue de la vérité.  Il faut se détacher du monde matériel et obéir la voix intérieure de notre coeur, de notre l’humanité et de notre Etre.

Le premier chapitre de Gîtâ débute avec Arjouna Vishâda Yoga, l’angoisse de Arjouna et Gîtâ s’achève avec Moksha Sannyâsa Yoga, le renoncement [sannyâsa] des limitations et de l’ignorance qui met fin à l’illusion [moksha].  Arjouna est comparable à l’homme moderne, qui est confus, noyé dans l’incertitude et stressé par les assauts constants de la vie moderne. Si l’homme moderne étudie la Gîtâ avec autant d’attention et d’intérêt que Arjouna, il doit finalement pouvoir faire la même déclaration que Arjouna: “Mon illusion s’est dissipé, j'ai réalisé la Vérité.”  Il ne faut jamais oublier que même un peu de la pratique du Yoga enseigné dans la Gîtâ peut nous sauver des grands tourments de la vie matérielle.

Peu importe les époques et les cultures où, et les maîtres chez qui, le Principe Divin s’est manifesté, Ses enseignements contiennent les valeurs éternelles et universelles aussi bien que les révélations progressives selon la maturité des peuples qui ont reçu les enseignements. Mais essentiellement, Son enseignement se focalise sur la pratique de la Vérité, la Droiture, la Paix, l'Amour, l'Unité, la Tolérance et la Fusion dans l'Unique.  Ekam sat viprâ bahoudâ vadanti- Il y a une seule vérité qui a été diversement interprétée par les maîtres et prophètes. Gîtâ est plus important que Krishna car le Maître Krishna est né et il est mort comme tout humain tandis que la sagesse de Gîtâ est sans naissance et sans fin.  Et Elle enseigne un Yoga qui est éternel et universel, qui existait avant Krishna et qui continue d’exister après Krishna.  Dans la Gîta, Krishna a expliqué qu’il s’était incarné plusieurs fois dans le passé et que grâce à son évolution yoguique Il connaît toutes ses incarnations du passé.  Vedavyâsa avait identifié Krishna dans ses incarnations passées, entre autres, comme le Sage Nârâyana, Prishnigarbha, Oupendra, et le prince Râma. Les hindous croient en la réincarnation des maîtres de Yoga.

Dans la Gîtâ, à plusieurs reprises, le Maître Krishna fait référence à l'Etat Divin qu’il a atteint et dans lequel il reste toujours établi. Il définit l’Etat Divin comme comme Je, Moi [Aham], Mon Royaume Suprême [Mad dhâma, Mad loka], etc.  Plusieurs auteurs ont traduit cela littéralement et ont identifié le corps physique de Yogeshvara Krishna à La Dimension Divine.  Et c’est ainsi que sont nés les Krishna Consciousness, Krishna Loka et Goloka, etc.  Mais en vérité, à chaque fois que Krishna parle de l’Etat Divin comme Je, Moi, Mon Etat Suprême, il se réfère à l'état divin qu’il a  atteint.  On peut appliquer la même explication à Yogeshvara Shiva, le plus grand des yogis primitifs, qui a  atteint L'Etat Suprême grâce au Yoga et qui parle de cet Etat comme Ma Nature, Mon Royaume Suprême.  Par manque de compréhension, certains ont commencé à identifier la forme physique de Shivji à L’Etre Suprême et ont commencé à l’adorer au lieu de chercher à suivre son l'exemple et ses enseignements. Cette tradition  perdure et persiste toujours; on peut la voir opérer de nos jours chez un bon nombre de dévots et fans de Sai Baba.

La meilleure façon de comprendre ce mot personnel « Aham- Je, Moi» et son dérivatif « Mon », est d’appliquer lces formules Védantiques : Aham brahmâsmi : Je suis l’Etre Suprême et So’ham : Je suis Cela.  Ces deux formules indiquent une suprême vérité qui s’applique à tout être humain vivant. C’est la vérité ultime de tout être humain vivant. Ainsi le Je ou Moi dont la Gîta fait fréquemment référence est tout simplement l’ultime vérité de tout être humain et de toute la création.  Donc, à chaque fois qu’il y a Je, Moi, Mon, nous devons comprendre que ces mots se réfèrent à ce que nous sommes en vérité, notre vrai Je et notre vrai Moi. C’est cette vérité que Krishna a réalisée et qu’il dispense. Il ne le dit pas pour se vanter et pour qu’on doive l’adorer et le glorifier comme un Dieu mais il le fait dans l’unique but de nous convaincre que c’est aussi notre véritable identité que l’on doit réaliser.  Si Krishna ne fait que parler de ses réalisations, à quoi cela nous servirait-il et en quoi cela nous avancerait ?  Dans la Gîtâ, Krishna parle de notre être, de notre vérité et du bonheur de se connaître. Quand Krishna parle, c’est en fait notre vrai Je ou Moi [être] qui parle. Et c’est ainsi qu’il faut le comprendre sinon on va nourrir une autre illusion et s'éloigner de la vérité.

Un autre mot que nous rencontrons dans la Gîtâ est  deva ou devatâs. En vérité, le mot ‘deva’ comporte plusieurs significations.  Il peut indiquer les forces de la nature, les énergies cosmiques, les grands héros de la race aryenne qui ont accédé au soit-disant Paradis grâce à leurs grands exploits, les différents concepts de Dieu imaginés par les humains, et aussi l’Etre qui brille de sa propre lumière qui illumine et anime le cosmos et les entités.  En passant, il serait intéressant de savoir qu’afin d’immortaliser leurs grands héros du passé, les aryens les ont conçu comme des devatâs dans le Paradis Astral, un monde supérieur [Svargaloka] où ils règnent et s'amusent.  Grâce à leurs immenses mérites et prouesses, ils ont eu comme récompense suprême la charge et le privilège de contrôler les forces de la nature dans l’au-delà.  Ainsi, Agni a commencé à gouverner sur l’élément du feu et graduellement il a été identifié [confondu, asimilé] avec le feu.  Le même principe a été appliqué à Indra, Chandra, Sourya, Varouna, Vâyou, Yama, etc.  Dans le monde astral, il y a, paraît-il, une section réservée aux sages et rishis, une autres aux ancêtres nobles, aux grands artistes, aux grands inventeurs, etc.  Le chef de tous ces êtres astraux est Indra, le Roi Suprême.  Puisqu’il était de son vivant le Roi Suprême des Aryens, il est tout à fait normal qu’il accède au même statut dans l'astral après sa mort.

Plus tard, durant l'époque pouranique, plusieurs autres héros ont fait surface et ont hérité d’un plus haut statut dans le monde astral.  Encore une fois, la même place qu’ils avaient l’habitude d’occuper alors qu’ils vivaient sur la terre leur fut octroyée dans le monde astral supérieur.  Parmi les grands Mourtis qui ont atteint le monde astral supérieur figurent Brahmâ, Vishnou, Shiva en compagnie des membres de leurs familles et de leurs associés.  Grâce à leurs immenses prouesses et héroïsme, les Trimourtis ont hérite du monde astral supérieur et ont obtenu le pouvoir de contrôler les trois Gounas et les trois phases de l'univers- création, préservation et destruction.  Durant cette époque, il y a eu la tendance et la tentation d’identifier ces trois Mourtis à l'Etre Suprême et parfois certains ont même essayé de démontrer à travers les différents mythes et légendes des Pourânas [anciennes légendes] que l’un est plus supérieur à l'autre. C’était une époque étrange car une personne influente avançait une idée et arrivait à faire accepter par les autres grâce aux arguments, aux légendes, aux éotions fortes, etc. Graduellement l’idée devenait de plus en plus puissante et elle était acceptée comme une vérité et s'imposait comme telle. Et c’est ainsi que la tradition est arrivée jusqu’à nous. Même à notre époque dominée par la rationalité, peu de gens osent encore remettre cette idée en question. Il y a même des ‘maîtres supposément illuminés’ qui acceptent aveuglement les idées du passé et des traditions et les considèrent comme des réalités qu’il ne faut jamais douter. Il faut savoir que La Gîtâ n’encourage pas l’adoration des devatas car cette adoration immature et fondamentalement matérielle nous déroute et nous éloigne de la réalisation de notre vraie identité.

Combien de gens ont vraiment compris les enseignements des grands Maîtres tels que Shiva, Krishna, Râma, etc. et ont réussi à atteindre la Conscience Divine grâce à l’étude et la pratique de leurs enseignements?  La majorité préfère croire et espérer au lieu de faire l’effort d’étudier, de réfléchir et de pratiquer. La croyance et l’espoir peuvent facilement nous dérouter s’ils ne sont pas soutenus par la vérité. La vérité n’est pas un fruit que l’on cueille sur un arbre; c’est le fruit d’une longue, assidue et difficile quête.  Commençons donc par étudier la Bhagavad Gîtâ dans sa vraie perspective et le reste se fera à son rythme et au notre.

Pour renforcir la compréhension de certains aspects occultes et mystiques de la Gîtâ, nous avons ajouté les APPENDICES à la fin du livre.  Nous espérons que vous allez prendre un immense plaisir à étudier la Bhagavad Gîtâ Nava-gnyânârtha Darshanam et que cela vous rapprocherait d’avantage de votre être, de la conscience qui habitait Krishna. Notre travail consistait à mettre les informations et les outils à votre disposition, la suite est entièrement entre vos mains.

AUM TAT SAT : l’âme que nous sommes est la suprême vérité; Elle est l’Etre Suprême, le but ultime.

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LE SYMBOLISME DES PERSONNAGES:

Dans toutes les histoires et légendes sacrées de l’hindouisme, chaque personnage et l’endroit représentent un état de la conscience, de l’esprit.  Une fois que nous sommes parvenus à percer le mystère de chaque personnage et de chaque l’endroit, il est très facile de comprendre la réalité qui se cache derrière. C’est cette réalité qui est le sujet principal. Beaucoup de personnes ont tendance à prendre et comprendre les choses littéralement et cela est très  déroutant.  Et en fin de compte, ils n’arrivent pas à comprendre le vrai message ou la vraie philosophie, et donc leurs illusions persistent. La philosophie se définit comme l'amour [philos] de la sagesse [sophia]. Les textes hindous contiennent des messages cryptés qu’il faut décoder afin de découvrir leurs vrais sens.  Et quand nous avons les outils requis à notre disposition pour les décrypter, l'étude des écritures saintes devient une véritable exploration à l'intérieur de soi-même.  Comme nous l’avons déjà précisé, la guerre de Kouroukshetra est en vérité une bataille entre l’armée des forces de l’obscurité et celle des forces de lumière qui habitent la conscience de l’individu.  Essayons à présent de décrypter les différentes forces qui s’opposent dans cette guerre par leurs noms.

Les Forces de l'Obscurité:

Dhritarâshtra: Celui qui s’est accaparé d’une territoire qui n’est pas sienne; c’est l'ambition matérielle et aveugle qui cherche à dominer à tout prix. L’instinct jouisseur.

Bhîshma: Celui qui inspire et commande la terreur; celui qui, par son attachement et obéissance à l'ambition aveugle, perd sa dignité et souille son sang. L’instinct du clan.

Drona: Agilité dans le maniement des armes; celui qui est toujours prêt pour faire la guerre; l’instinct offensif.

Kripa:  L’action [Kri] et son fruit [pa]; l’action qui cherche uniquement à gagner. L’instinct possessif.

Duryodhana: Défenseur du mal, égoïsme à l’extrême, guerrier au service du mal. Négativité et agressivité. L’instinct égoïste.

Karna: Ecouter et agir en suivant un mauvais conseil; mal choisir son camp dans l'obsession de prouver sa valeur.

Ashvatthâmâ: L'entêtement; l'obstination, une force maudite.

Vikarna: L’inattention; qui est sourd, l'esprit renfermé, bloqué.

Saumadatti: Qui drogue l’intelligence, l'esprit soûlé, sous l’influence de l’illusion.

 

Les Forces de La Lumière:

Pândou: la conscience qui est transparente, sans préjugé, claire

Kounti: la capacité d’élever l'esprit au-delà des faiblesses humaines.  Kou= le mal, anti= élimination.

Youdhishthîra: La fermeté dans la pratique de la droiture; qui cherche la perfection

Arjouna: La clarté d’un l'esprit dévoué au service du bien, un esprit ayant un excellent héritage spirituel

Bhîma: l’esprit qui est sans peur, qui peut assimiler ou absorber n’importe quelle frayeur [il est le commandant-en -chef de l'armée Pândava]

Sahadeva: La conscience spirituelle, le rapprochement avec le divin

Nakoula: une conscience qui est sans souffrance et sans regret car elle connaît la loi de l’action

Dhrishtaketou: une vision qui est constamment éclairée

Ekitâna: un esprit sans conflit, harmonieux

Pouroujit: La victoire complète sur le corps et ses faiblesses

Kâshirâja: la grande lumière qui règne sur l’esprit

Kountibhoja: l'esprit qui se délecte dans son édification et élévation

Shaibya:   Force d'altruisme; qui n’est pas égoïste

Youdhâmanyou: la conquête de l'esprit

Vikrânta: l’invincibilité

Outtamaujâ: un esprit ayant les meilleurs atouts

Shikhandî: qui habite au sommet; l'esprit supérieur

Dhrishtadyoumna: qui détrui l’impureté; la vision éclairée

Virâta: La conscience universelle, la vision globale

Sâtyaki: qui révèle La Vérité

Droupada: La Force Inébranlable et Ferme

Draupadeyâ: Forces qui s’attaquent au mal et à la lâcheté

Saubhadra: Force excellente qui conduit au bien être; le sacrifice de soi pour une noble cause

AUM TAT SAT : l’âme que nous sommes est la suprême vérité ; Elle est l’Etre Suprême, le but ultime.

 

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