LA MEDITATION: Entrer en communion avec lEtre
7.
Dhyâna: La Méditation-
Prendre conscience de Chid âkâsha, lespace indistinct
de lêtre qui habite éternellement linstant
présent. Arrivé à ce stade, il suffit
de souvrir à ce qui existe au-delà de la pensée
en se fusionnant joyeusement avec La Présence de lEtre
au niveau de la conscience intérieure sans aucune identification
avec le corps, la pensée, ses préoccupations, ses
désirs et les émotions. Cest la
communion constante de lesprit avec Une Dimension
plus étendue et puissante que notre mental ordinaire.
On se laisse aller, on se détend, on lâche tout,
on se dissipe dans la Paix de lInfini. La clôture
érigée par la pensée se dégringole
et la conscience se libère et embrasse linfini.
Une définition de Dhyâna est «léveil
à la supraconscience [dhy]».
Mais avant daborder ce sujet très profond et important de la Communion, assimilons clairement la science de Sânkhya Yoga comme enseignée par Krishna à Arjouna au Chapitre 2 de la Bhagavad Gîtâ. On a déjà fait allusion à cette science et à sa teneur dans l'introduction. Sânkhya signifie «quantité ou quantum» et le Sânkhya Yoga nous permet de faire un bond quantique qui projette la conscience dans la dimension parfaite de notre être, qui est au-delà du temps, de lespace, de la causalité et du mental. Cet être est lâme dont les attributs sont clairement décrits dans la Gîtâ:
Verset 2.17: Sache que cette âme, qui pénètre en toute chose, ne peut être anéantie [avinâshi]. Nul est capable de causer la destruction de cet être impérissable [avyaya]
Verset 2.18: Tous ces corps qui sont animés par lâme [au singulier] sont sujets à la destruction. Mais lâme qui les anime est décrite comme existant éternellement [nityasya], comme indestructible [anâshinah] et sans borne [aprameya]. Donc, engage le combat, ô Bhârata.
Verset 2.19: Qui simagine que lâme peut tuer et celui croyant que lâme peut être éliminée- tous les deux sont des ignorants. Car lâme ne tue ni ne meurt jamais.
Verset 2.20: Lâme ne connaît ni la naissance ni la mort à aucun moment. Elle na pas commencé à exister ni ne naîtra à nouveau. Non née, éternelle, permanente et originelle, elle ne meurt pas avec la destruction du corps.
Verset 2.22: De même que lhomme abandonne les vêtements vieux et usés pour en revêtir de neufs, cette âme, qui habite tous les corps, se défait des corps vieux et inutiles (à lheure de la mort) et revêt dautres corps nouveaux (à la conception).
Verset 2.23: Aucune arme ne peut réduire lâme en pièces, ni le feu la brûler, ni leau la mouiller, ni le vent la dessécher.
Verset 2.24: Lâme est incassable, lâme nest pas affectée par le feu, leau ni par le vent. Elle est éternelle, omniprésente, inchangeable, immobile et éternellement la même.
Verset 2.25: Il est dit que lâme est invisible (non manifestée), inconcevable, et inchangeable (sans évolution). La réalisant ainsi, il ny a pas lieu de se lamenter.
Verset 2.28: Toutes les créatures existent au début, à lorigine, dans linvisible, lindistinct [avyakta: le non manifesté]; elles se manifestent, deviennent visibles, distincts, à létat intermédiaire, et après leur disparition, elles se retrouvent dans la dimension non manifestée. A quoi bon se lamenter, ô Bhârata?
Verset 2.29: Certains ont réalisé cette étonnante merveille quest lâme; dautres en ont parlé comme étant indescriptible; dautres encore en ont entendu parler comme une chose extraordinaire. Il y a ceux qui, même après en avoir entendu parler, narrivent pas à la comprendre.
Verset 2.58: Celui qui, telle une tortue rétractant ses membres au fond de sa carapace, arrive à détacher les sens de lemprise de leurs objets, celui-là possède une conscience spirituelle de base.
Après
cette clarification au sujet de la nature de lêtre,
de lâme, la tâche la plus ardue consiste
à en faire lexpérience personnelle, ici
et maintenant. Mais comment y parvenir? La meilleur
façon de débuter cette extraordinaire aventure est
dessayer dappliquer la formule énoncée
[pratyâhâra] par Krishna au verset 2.58 sans toutefois
perdre de vue tout ce quIl a enseigné sur le Yoga
et la méditation. Vous pouvez, si vous le souhaitez,
relire tous les versets précités dans ce livre.
Une fois que vous avez développé une bonne compréhension
du sujet on peut se diriger vers la méditation.
Avant
de pénétrer létat méditatif,
il serait approprié de se rendre réceptif et de
se libérer de ses chaînes et fardeaux. Pour
cela, il suffit de se mettre en transe mystique
en pratiquant Kapâlabhâti pendant quelques minutes.
Pendant les grandes invocations, les dévots entrent souvent
en transe, entraînés par les mantras, latmosphère
de foi et de ferveur, les musiques, les émotions, etc.
Mais ici on va provoquer cette transe en douceur [soushoumâ]
sans lexcitation de la pensée [idâ] et des
impulsions [pingalâ].
Après
quelques minutes de profondes et rapides respirations, vous allez
sentir votre corps sankyloser. Nayez point de
crainte, continuez pendant encore quelques instants et ensuite
lâchez tout. Ne respirez plus. Vous serez
en transe mystique dans la dimension supraconsciente.
Mais restez bien éveillé et complètement
détendu. Faites lexpérience de la mort
qui précède la renaissance [dvija] spirituelle.
Quand le souffle revient, observez-le joyeusement et silencieusement
sans interférence. Vous venez de renaître en
esprit [con-naître]. Cest pour cela quon
décrit un dvija comme celui qui renaît et connaît.
Sans cette renaissance et cette connaissance spirituelle, il est
impossible de pénétrer lespace sacré
et supra-consciente de la méditation [touriya] où
la réalisation est directe et parfaite.
PENETRER LESPACE DE LA MEDITATION [Chidâkasha]
*Restez immobile dans votre posture; gardez les yeux, la langue et le corps complètement immobiles. Vivez au Trikouti sans concentration et, de là, observez lespace sombre et indistinct de la conscience intérieure [chidâkâsha]. De lintérieur, lespace enveloppe votre corps et sétend au-delà. Ressentez la paix douce et intense qui se dégage de cet état.
*Détendez-vous complètement. Ressentez cette paix, douce et intense, qui emplit votre tête; votre esprit se calme. Elle descend dans la gorge et, de là, se répand dans les deux bras jusquaux doigts. Ressentez un engourdissement dans chaque main et vous vous détendez davantage. Des épaules, la paix intense descend jusquau ventre; ressentez-la vivement et soyez heureux. Des épaules, elle descend le long du dos jusquaux fesses, ressentez une douce béatitude et un frémissement au niveau de la colonne vertébrale qui devient très sensitive de la nuque jusquà lanus. La paix descend dans les deux jambes et les pieds. Ressentez lengourdissement qui saisit le corps dans sa totalité. Vous êtes très détendu et vous vous sentez fluide, en train demplir lespace.
*Maintenant, par une volonté mentale, éliminez limage et le fardeau du corps de votre esprit. Libérez vous du corps et soyez libre, léger et heureux. Vous pouvez aussi dissoudre limage du corps dans lespace de la conscience universelle comme une graine de sel qui se dissout graduellement dans locéan.
*Observez à présent lespace sombre et indistinct de la conscience intérieure (Kârana est le corps causal inconscient doù nous sommes tous issus et où nous sombrerons après la mort si nous narrivons pas à attirer la lumière spirituelle supraconsciente pendant notre vie. Lespace causal (la source humaine adamique) est aussi lespace du sommeil profond réparateur où lon est inconsciemment rattaché à la source de lhumanité et de lexistence- avyakta). Cet espace est au-delà du mental, des pensées et de lintellect. Cest ici que se trouve le potentiel intégral caché et non manifesté [avyakta] de lêtre humain. Pendant notre état déveil ordinaire, nous ne sommes presque jamais conscient de lespace. Notre attention est toujours braquée sur les objets que contient cet espace. En fermant les yeux, on ne fait quéliminer les objets pour focaliser lattention principalement sur lespace causal.
*Observez bien attentivement et vous verrez que cet espace est sans commencement, sans milieu et sans fin. Il est sans mesure, sans borne, sans frontière, sans naissance, sans vieillissement, sans âge, sans couleur, sans nom, sans partition, sans genre. La conscience, qui emplit cet espace, est ni mâle ni femelle; elle est sans nationalité, sans race, sans espèce. Il y fait ni jour ni nuit, ni chaud ni froid car elle est au-delà du temps et du climat. Elle est sans activité et absolument immobile et constante. Elle ne grossit pas et ne se rétrécit pas. Elle napparaît pas, ne disparaît pas; elle est toujours là, comme le témoin [sâkshi- lil divin], détachée, silencieuse, éternelle, incréée. Elle est ici et partout. Tout est en elle et elle pénètre tout sans distinction. Mais Elle nappartient à rien ni à personne.
*Vous pouvez voir une image de votre corps dans cet espace infini de la conscience, dans lêtre. Vous pouvez aussi y voir toute lhumanité et tout lunivers- avec un peu de bon sens. Malgré le fait quelle contienne tout lunivers (poûrnam/ plenum), elle apparaît comme vide (shounyam/vacuum). Cet espace semble être en vous et pourtant il contient tout lunivers, y compris votre personne. Sans cet espace, et en dehors de cet espace, rien ne peut exister.
*Dans cet espace de pure conscience [chid âkâsh], il ny ni intérieur ni extérieur; il est sans division, sans fragmentation, sans dualité. Il est éternel et infini comme lâme. Considérez cet espace causal comme le temple éternel de lEtre Divin et vous êtes cet espace éternel et infini, ce temple divin. Cest cela La Contemplation. Cet espace sombre et indistinct est aussi considéré comme le coeur spirituel dune personne et quand la personne ouvre ce coeur totalement à lau-delà, à lêtre, il fait la Confession, qui permet le repentir : le retour vers la Lumière Divine. La vraie foi est un attribut de ce cur spirituel.
*Lespace intérieur revêt cette apparence sombre [Krishna, Shyâmavarnam, Gautama] par ce quil y a un voile de lignorance et de linconscience qui couvre la pure conscience dans cet espace indistinct. En vérité ce quon appelle notre conscience individuelle nest quun bulle éphémère dans cet océan de conscience infinie. Avec léclatement de ce bulle, le voile de lignorance est détruit et on se fusionne avec la Lumière Infinie et Eternelle de lEtre comme une graine de sel qui se dissout dans locéan pour devenir locéan. On appelle cet état La Divine Communion- Samâdhi. Samâdhi signifie que la conscience spirituelle [dhi] sest complètement fusionnée avec lEtre et qui ne fait quun [samâ] avec lEtre -Soham, Shivoham.
*Maintenant observez la respiration et vous verrez que cet espace indistinct, qui existe en concert avec le souffle de la vie, indique sa présence à travers la respiration [Soham: Je suis Cela]. Cet espace, qui est la vie, est vivant, supraconscient et complet. La mémoire du moi et du corps sest effacée. Il ny plus de moi ni de corps. Il y a seulement lespace infini, vivant [sat] supraconscient [chid] qui respire dans la satisfaction totale [ânanda] de son être. Ce souffle cosmique est attentif à tout ce qui se passe dans notre mental et dans notre entourage, sans aucune résistance. Il accepte et absorbe tout et ne rejette rien. Il ny a pas de jugement ni de choix. Toute activité est comme une vague de locéan, comme une expression particulière de lunique.
*Si
vous vous identifiez avec lespace de la pure conscience
et linstant présent, vous êtes LINSTANT
ETERNEL avec tout ce quil comporte et contient.
Vous êtes le matin, le soir, les chants doiseaux,
les voix qui appellent, les bruits, lespace et le temps,
les pensées. Vous êtes, en même temps, le Témoin
Silencieux de tout cela. Océan et vagues.
Il faut tout simplement ETRE dans le moment présent, Etre
le moment présent, sans songer ni au passé ni au
futur.
Dans
cet état spirituel où lon est en communion
(quoique voilée) avec lEtre (lâme), on
doit savoir comment prier (si on veut prier) et quoi demander
car une majeure partie nos désirs peuvent éventuellement
se réaliser, y compris les désirs négatifs.
Noubliez pas que vous êtes dans la dimension supracausale
de lEtre, qui est considéré comme le Kalpatarou,
larbre miraculeux millénaire qui exauce les vux.
Larbre, comme on le sait, est né à partir
dune graine [causale] et produit des fruits. Cette
dimension supracausale est aussi connue comme âshoutosha:
qui exauce les vux facilement. Ne semez jamais de
mauvaise graine dans la terre fertile de lEtre Supracausal.
Dans la quatrième dimension de la conscience [Toûriya],
tout est possible. Vous connaissez bien les histoires des
Asouras qui approchèrent Ashoutosha-Shankara pour avoir
des pouvoirs facilement. Ils semèrent ensuite le
chaos partout et finissent par provoquer leur propre destruction.
Cest pour cette raison que les étapes telles que
Yama et Niyama sont exigées dans la pratique
du Yoga au tout début. Ainsi on doit faire très
attention et prier plutôt pour la paix [shânti] et
le bonheur [svasti] de tout le monde [loka sangraha]. Toutes
les prières védiques [prârthana] ont été
composées par les sages dans cet état de méditation.
Ici, il ny plus de place pour lego, pour le moi, pour
lindividualité. Il faut, par ailleurs, comprendre
que prârthanâ est une manifestation de la méditation,
une action illuminée. Prârthanâ
ne peut jamais être dissociée de la méditation.
La méditation, la communion dans lespace de la pure conscience silencieuse, peut aussi se faire et se prolonger dans la position endormie [shavâsana]; mais on doit rester très conscient et attentif afin de ne pas sombrer dans le sommeil. Toutefois, si on est fatigué et que le sommeil nous envahisse, cela ne peut quêtre bénéfique. Il ne faut jamais résister ni créer des tensions inutiles pendant la méditation. Quelques exercices vigoureux avant la méditation peuvent certainement empêcher le sommeil de semparer de nous.
Si vous avez fait cette expérience comme décrite
dans ce chapitre, alors vous avez fait lexpérience ou plutôt
l'impérience
de la Méditation. Et à travers cette impérience
de la méditation, vous avez communié avec lâme,
lEtre Suprême, Paramâtmâ.
En effet, cest ça le but de la méditation.
Elle harmonise les trois aspects de la nature, notamment, Sattva
[esprit silencieux et éveillé], Rajas [activité
respiratoire] et Tamas [posture immobile
du corps]. A travers cette harmonisation, une grande quantité
dénergie [tapas] est accumulée et on peut
ainsi mourir au particulier pour renaître
comme lUniversel. Cest cela la conscience
cosmique. On perd son individualité; on est indivisible,
intemporel, immuable et incommensurable.
Un ancien symbole religieux qui illustre bien cette harmonisation des trois aspects dynamiques de lhumain dans la méditation est le Shivalingam. Lespace noir de la conscience sans borne est représenté par le Shivalingam, le symbole de Shiva, de lEtre. Les trois marques blanches horizontales sur le Shivalingam représentent lharmonisation et limmobilité de Sattva, Rajas et Tamas dans létat méditatif. Quand la méditation sapprofondit, ces trois énergies sont transformées en Sat-chid-ânanda et Satyam-Shivam-Soundaram. Lil mystique [sâkshi] qui se trouve au centre des trois lignes horizontales indique la Supraconscience, létat du Témoin silencieux, qui voit tout et connaît tout. Cet état est la source des trinités de lexistence [trayambakam]. Les trois lignes horizontales symbolisent également les trois niveaux de lexpérience spirituelle. Au début, on entre dans lespace sombre, le ciel noir [shyamâkasha, layâkâsha] de lêtre symbolisé par Roudra-Kâli. Cest létape de la destruction, de la mort consciente. Eventuellement, on est projeté dans lespace clair [shwetâkâsha] de lêtre symbolisé par Brahmâ-Saraswati. Cest létape de la création, de lintelligence. Finalement, on est absorbé dans lespace bleu [nîlâkâsha] de lêtre symbolisé par Vishnou-Lakshmî. Cest létape de lunion totale, de labsorption totale, de lépanouissement intégrale.
Pour convaincre votre mental immature de la véracité de cette expérience du Rien et du Tout, tentez-la encore et encore avec joie et enthousiasme [prasanna vadanam]. Graduellement, votre mental développera la capacité dassimiler cette sublime impérience et la dimension de lâme. Une fois que le mental ait pu assimiler cette sublime impérience, il nagira plus comme un obstacle mais se dressera plutôt comme un allié. Alors vous saurez que vous avec fait un bond décisif dans la spiritualité, ce qui vous propulsera dans létape ultime de Yoga: Samâdhi.
8. Samâdhi:
Cest la Communion totale sans aucune dualité et sans
la conscience égoïque avec LEtre Suprême,
LAme. On se réalise comme La Présence Infinie et Eternelle et on est dans un état de bonheur
et daccomplissement complet [ânanda]. La Conscience est révélée dans Sa Totalité.
On sidentifie avec lEtre. Cest le
but ultime de tout Yoga. Du présent
on est projeté dans lOMniprésent et
lEternité. On est comme [iva] un soleil [Da],
donc un daiva, un deva, un être illuminé et libre.
A ce stade, il serait important de faire ressortir qu'à travers la méditation on ne perd son individualité que momentanément. Mais, par-dessus tout, on acquiert la réalisation de son universalité et de sa perfection. Donc, point de crainte. Il ny a rien à perdre mais plutôt beaucoup à gagner, en effet, tout à gagner.