DHYANESHVARI

La Science de la Méditation et de la Spiritualité

CHAPITRE 5

DHYANESHVARI   
 

LA MEDITATION: Entrer en communion avec l’Etre

7.         Dhyâna:   La Méditation-  Prendre conscience de Chid âkâsha, l’espace indistinct de l’être qui habite éternellement l’instant présent.  Arrivé à ce stade, il suffit de s’ouvrir à ce qui existe au-delà de la pensée en se fusionnant joyeusement avec La Présence de l’Etre au niveau de la conscience intérieure sans aucune identification avec le corps, la pensée, ses préoccupations, ses désirs et les émotions.   C’est la communion constante de l’esprit avec Une Dimension plus étendue et puissante que notre mental ordinaire.  On se laisse aller, on se détend, on lâche tout, on se dissipe dans la Paix de l’Infini.  La clôture érigée par la pensée se dégringole et la conscience se libère et embrasse l’infini.   Une définition de Dhyâna est «l’éveil à la supraconscience [dhy]».   
 

Mais avant d’aborder ce sujet très profond et important de la Communion, assimilons clairement la science de Sânkhya Yoga comme enseignée par Krishna à Arjouna au Chapitre 2 de la Bhagavad Gîtâ. On a déjà fait allusion à cette science et à sa teneur dans  l'introduction.  Sânkhya signifie «quantité ou quantum» et le Sânkhya Yoga nous permet de faire un bond quantique qui projette la conscience dans la dimension parfaite de notre être, qui est au-delà du temps, de l’espace, de la causalité et du mental.  Cet être est l’âme dont les attributs sont clairement décrits dans la Gîtâ:

Verset 2.17: Sache que cette âme, qui pénètre en toute chose, ne peut être anéantie [avinâshi].  Nul est capable de causer la destruction de cet être impérissable [avyaya]

Verset 2.18: Tous ces corps qui sont animés par l’âme [au singulier] sont sujets à la destruction.  Mais l’âme qui les anime est décrite comme existant éternellement [nityasya], comme indestructible [anâshinah] et sans borne [aprameya].  Donc, engage  le combat, ô Bhârata.

Verset 2.19: Qui s’imagine que l’âme peut tuer et celui croyant que l’âme peut être éliminée- tous les deux sont des ignorants.  Car l’âme ne tue ni ne meurt jamais.

Verset 2.20: L’âme ne connaît ni la naissance ni la mort à aucun moment.  Elle n’a pas commencé à exister ni ne naîtra à nouveau.  Non née, éternelle, permanente et originelle, elle ne meurt pas avec la destruction du corps.

Verset 2.22: De même que l’homme abandonne les vêtements vieux et usés pour en revêtir de neufs, cette âme, qui habite tous les corps, se défait des corps vieux et inutiles (à l’heure de la mort) et revêt d’autres corps nouveaux (à la conception).

Verset 2.23: Aucune arme ne peut réduire l’âme en pièces, ni le feu la brûler, ni l’eau la mouiller, ni le vent la dessécher.

Verset 2.24: L’âme est incassable, l’âme n’est pas affectée par le feu, l’eau ni par le vent.  Elle est éternelle, omniprésente, inchangeable, immobile et éternellement la même.

Verset 2.25: Il est dit que l’âme est invisible (non manifestée), inconcevable, et inchangeable (sans évolution).  La réalisant ainsi, il n’y a pas lieu de se  lamenter.

Verset 2.28: Toutes les créatures existent au début, à l’origine, dans l’invisible, l’indistinct [avyakta: le non manifesté]; elles se manifestent, deviennent visibles, distincts, à l’état intermédiaire, et après leur disparition, elles se retrouvent dans la dimension non manifestée.  A quoi bon se lamenter, ô Bhârata?

Verset 2.29: Certains ont réalisé cette étonnante merveille qu’est l’âme; d’autres en ont parlé comme étant indescriptible; d’autres encore en ont entendu parler comme une chose extraordinaire.  Il y a ceux qui, même après en avoir entendu parler, n’arrivent pas à la comprendre.

Verset 2.58: Celui qui, telle une tortue rétractant ses membres au fond de sa carapace,  arrive à détacher les sens de l’emprise de leurs objets, celui-là possède une conscience spirituelle de base.

Après cette clarification au sujet de la nature de l’être, de l’âme, la tâche la plus ardue consiste à en faire l’expérience personnelle, ici et maintenant.  Mais comment y parvenir?  La meilleur façon de débuter cette extraordinaire aventure est d’essayer d’appliquer la formule énoncée [pratyâhâra] par Krishna au verset 2.58 sans toutefois perdre de vue tout ce qu’Il a enseigné sur le Yoga et la méditation.  Vous pouvez, si vous le souhaitez, relire tous les versets précités dans ce livre.  Une fois que vous avez développé une bonne compréhension du sujet on peut se diriger vers la méditation.   
 

Avant de pénétrer l’état méditatif, il serait approprié de se rendre réceptif et de se libérer de ses chaînes et fardeaux.  Pour cela, il suffit de se mettre en transe mystique en pratiquant Kapâlabhâti pendant quelques minutes.  Pendant les grandes invocations, les dévots entrent souvent en transe, entraînés par les mantras, l’atmosphère de foi et de ferveur, les musiques, les émotions, etc.  Mais ici on va provoquer cette transe en douceur [soushoumâ] sans l’excitation de la pensée [idâ] et des impulsions [pingalâ].    
 

Après quelques minutes de profondes et rapides respirations, vous allez sentir votre corps s’ankyloser.  N’ayez point de crainte, continuez pendant encore quelques instants et ensuite lâchez tout.  Ne respirez plus.  Vous serez en transe mystique dans la dimension supraconsciente.  Mais restez bien éveillé et complètement détendu.  Faites l’expérience de la mort qui précède la renaissance [dvija] spirituelle.  Quand le souffle revient, observez-le joyeusement et silencieusement sans interférence.  Vous venez de renaître en esprit [con-naître].  C’est pour cela qu’on décrit un dvija comme celui qui renaît et connaît.  Sans cette renaissance et cette connaissance spirituelle, il est impossible de pénétrer l’espace sacré et supra-consciente de la méditation [touriya] où la réalisation est directe et parfaite.   
 

PENETRER L’ESPACE DE LA MEDITATION [Chidâkasha]

*Restez immobile dans votre posture; gardez les yeux, la langue et le corps complètement immobiles.  Vivez au Trikouti sans concentration et, de là, observez l’espace sombre et indistinct de la conscience intérieure [chidâkâsha].  De l’intérieur, l’espace enveloppe votre corps et s’étend au-delà.  Ressentez la paix douce et intense qui se dégage de cet état. 

*Détendez-vous complètement.  Ressentez cette paix, douce et intense, qui emplit votre tête; votre esprit se calme.  Elle descend dans la gorge et, de là, se répand dans les deux bras jusqu’aux doigts.  Ressentez un engourdissement dans chaque main et vous vous détendez d’avantage.  Des épaules, la paix intense descend jusqu’au ventre; ressentez-la vivement et soyez heureux.  Des épaules, elle descend le long du dos jusqu’aux fesses, ressentez une douce béatitude et un frémissement au niveau de la colonne vertébrale qui devient très sensitive de la nuque jusqu’à l’anus. La paix descend dans les deux jambes et les pieds. Ressentez l’engourdissement qui saisit le corps dans sa totalité. Vous êtes très détendu et vous vous sentez fluide, en train d’emplir l’espace.

*Maintenant, par une volonté mentale, éliminez l’image et le fardeau du corps de votre esprit.  Libérez vous du corps et soyez libre, léger et heureux.  Vous pouvez aussi dissoudre l’image du corps dans l’espace de la conscience universelle comme une graine de sel qui se dissout graduellement dans l’océan.

*Observez à présent l’espace sombre et indistinct de la conscience intérieure (Kârana est le corps causal inconscient d’où nous sommes tous issus et où nous sombrerons après la mort si nous n’arrivons pas à attirer la lumière spirituelle supraconsciente pendant notre vie.  L’espace causal (la source humaine adamique) est aussi l’espace du sommeil profond réparateur où l’on est inconsciemment rattaché à la source de l’humanité et de l’existence- avyakta). Cet espace est au-delà du mental, des pensées et de l’intellect.  C’est ici que se trouve le potentiel intégral caché et non manifesté [avyakta] de l’être humain. Pendant notre état d’éveil ordinaire, nous ne sommes presque jamais conscient de l’espace.  Notre attention est toujours braquée sur les objets que contient cet espace.  En fermant les yeux, on ne fait qu’éliminer les objets pour focaliser l’attention principalement sur l’espace causal.

*Observez bien attentivement et vous verrez que cet espace est sans commencement, sans milieu et sans fin.  Il est sans mesure, sans borne, sans frontière, sans naissance, sans vieillissement, sans âge, sans couleur, sans nom, sans partition, sans genre. La conscience, qui emplit cet espace, est ni mâle ni femelle; elle est sans nationalité, sans race, sans espèce.  Il y fait ni jour ni nuit, ni chaud ni froid car elle est au-delà du temps et du climat.  Elle est sans activité et absolument immobile et constante.  Elle ne grossit pas et ne se rétrécit pas.  Elle n’apparaît pas, ne disparaît pas; elle est toujours là, comme le témoin [sâkshi- l’œil divin], détachée, silencieuse, éternelle, incréée.  Elle est ici et partout.  Tout est en elle et elle pénètre tout sans distinction. Mais Elle n’appartient à rien ni à personne.

*Vous pouvez voir une image de votre corps dans cet espace infini de la conscience, dans l’être.  Vous pouvez aussi y voir toute l’humanité et tout l’univers- avec un peu de bon sens.  Malgré le fait qu’elle contienne tout l’univers (poûrnam/ plenum), elle apparaît comme vide (shounyam/vacuum). Cet espace semble être en vous et pourtant il contient tout l’univers, y compris votre personne.  Sans cet espace, et en dehors de cet espace, rien ne peut exister.

*Dans cet espace de pure conscience [chid âkâsh], il n’y ni intérieur ni extérieur; il est sans division, sans fragmentation, sans dualité.  Il est éternel et infini comme l’âme.  Considérez cet espace causal comme le temple éternel de l’Etre Divin et vous êtes cet espace éternel et infini, ce temple divin.  C’est cela La Contemplation.  Cet espace sombre et indistinct est aussi considéré comme le coeur spirituel d’une personne et quand la personne ouvre ce coeur totalement à l’au-delà, à l’être, il fait la Confession, qui permet le repentir : le retour vers la Lumière Divine.  La vraie foi est un attribut de ce cœur spirituel.

*L’espace intérieur revêt cette apparence sombre [Krishna, Shyâmavarnam, Gautama] par ce qu’il y a un voile de l’ignorance et de l’inconscience qui couvre la pure conscience dans cet espace indistinct.  En vérité ce qu’on appelle notre conscience individuelle n’est qu’un bulle éphémère dans cet océan de conscience infinie.  Avec l’éclatement de ce bulle, le voile de l’ignorance est détruit et on se fusionne avec la Lumière Infinie et Eternelle de l’Etre comme une graine de sel qui se dissout dans l’océan pour devenir l’océan.  On appelle cet état La Divine Communion- Samâdhi.  Samâdhi signifie que la conscience spirituelle [dhi] s’est complètement fusionnée avec l’Etre et qui ne fait qu’un [samâ] avec l’Etre -So’ham, Shivo’ham.

*Maintenant observez la respiration et vous verrez que cet espace indistinct, qui existe en concert avec le souffle de la vie, indique sa présence à travers la respiration [So’ham: Je suis Cela].  Cet espace, qui est la vie, est vivant, supraconscient et complet. La mémoire du moi et du corps s’est effacée. Il n’y plus de moi ni de corps.  Il y a seulement l’espace infini, vivant [sat] supraconscient [chid] qui respire dans la satisfaction totale [ânanda] de son être.  Ce souffle cosmique est attentif à tout ce qui se passe dans notre mental et dans notre entourage, sans aucune résistance.  Il accepte et absorbe tout et ne rejette rien.  Il n’y a pas de jugement ni de choix.  Toute activité est comme une vague de l’océan, comme une expression particulière de l’unique.

*Si vous vous identifiez avec l’espace de la pure conscience et l’instant présent, vous êtes L’INSTANT ETERNEL avec tout ce qu’il comporte et contient.  Vous êtes le matin, le soir, les chants d’oiseaux, les voix qui appellent, les bruits, l’espace et le temps, les pensées. Vous êtes, en même temps, le Témoin Silencieux de tout cela.  Océan et vagues.  Il faut tout simplement ETRE dans le moment présent, Etre le moment présent, sans songer ni au passé ni au futur.   
 

Dans cet état spirituel où l’on est en communion (quoique voilée) avec l’Etre (l’âme), on doit savoir comment prier (si on veut prier) et quoi demander car une majeure partie nos désirs peuvent éventuellement se réaliser, y compris les désirs négatifs.  N’oubliez pas que vous êtes dans la dimension supracausale de l’Etre, qui est considéré comme le Kalpatarou, l’arbre miraculeux millénaire qui exauce les vœux.  L’arbre, comme on le sait, est né à partir d’une graine [causale] et produit des fruits.  Cette dimension supracausale est aussi connue comme âshoutosha: qui exauce les vœux facilement.  Ne semez jamais de mauvaise graine dans la terre fertile de l’Etre Supracausal. Dans la quatrième dimension de la conscience [Toûriya], tout est possible.  Vous connaissez bien les histoires des Asouras qui approchèrent Ashoutosha-Shankara pour avoir des pouvoirs facilement.  Ils semèrent ensuite le chaos partout et finissent par provoquer leur propre destruction.  C’est pour cette raison que les étapes telles que Yama et Niyama sont exigées dans la pratique du Yoga au tout début. Ainsi on doit faire très attention et prier plutôt pour la paix [shânti] et le bonheur [svasti] de tout le monde [loka sangraha].  Toutes les prières védiques [prârthana] ont été composées par les sages dans cet état de méditation.  Ici, il n’y plus de place pour l’ego, pour le moi, pour l’individualité.  Il faut, par ailleurs, comprendre que prârthanâ est une manifestation de la méditation, une action illuminée.  Prârthanâ ne peut jamais être dissociée de la méditation.     
 

La méditation, la communion dans l’espace de la pure conscience silencieuse, peut aussi se faire et se prolonger dans la position endormie [shavâsana]; mais on doit rester très conscient et attentif afin de ne pas sombrer dans le sommeil.  Toutefois, si on est fatigué et que le sommeil nous envahisse, cela ne peut qu’être bénéfique.  Il ne faut jamais résister ni créer des tensions inutiles pendant la méditation.  Quelques exercices vigoureux avant la méditation peuvent certainement empêcher le sommeil de s’emparer de nous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si vous avez fait cette expérience comme décrite dans ce chapitre, alors vous avez fait l’expérience ou plutôt l'impérience de la Méditation.  Et à travers cette impérience de la méditation, vous avez communié avec l’âme, l’Etre Suprême, Paramâtmâ.  En effet, c’est ça le but de la méditation.  Elle harmonise les trois aspects de la nature, notamment, Sattva [esprit silencieux et éveillé], Rajas [activité respiratoire] et Tamas [posture immobile du corps]. A travers cette harmonisation, une grande quantité d’énergie [tapas] est accumulée et on peut ainsi mourir au particulier pour renaître comme l’Universel.  C’est cela la conscience cosmique.  On perd son individualité; on est indivisible, intemporel, immuable et incommensurable.   
 

Un ancien symbole religieux qui illustre bien cette harmonisation des trois aspects dynamiques de l’humain dans la méditation est le Shivalingam.  L’espace noir de la conscience sans borne est représenté par le Shivalingam, le symbole de Shiva, de l’Etre.  Les trois marques blanches horizontales sur le Shivalingam représentent l’harmonisation et l’immobilité de Sattva, Rajas et Tamas dans l’état méditatif.  Quand la méditation s’approfondit, ces trois énergies sont transformées en Sat-chid-ânanda et Satyam-Shivam-Soundaram.  L’œil mystique [sâkshi] qui se trouve au centre des trois lignes horizontales indique la Supraconscience, l’état du Témoin silencieux, qui voit tout et connaît tout.  Cet état est la source des trinités de l’existence [trayambakam].  Les trois lignes horizontales symbolisent également les trois niveaux de l’expérience spirituelle.  Au début, on entre dans l’espace sombre, le ciel noir [shyamâkasha, layâkâsha] de l’être symbolisé par Roudra-Kâli.  C’est l’étape de la destruction, de la mort consciente.  Eventuellement, on est projeté dans l’espace clair [shwetâkâsha] de l’être symbolisé par Brahmâ-Saraswati. C’est l’étape de la création, de l’intelligence.  Finalement, on est absorbé dans l’espace bleu [nîlâkâsha] de l’être symbolisé par Vishnou-Lakshmî. C’est l’étape de l’union totale, de l’absorption totale, de l’épanouissement intégrale.

 

Pour convaincre votre mental immature de la véracité de cette expérience du Rien et du Tout, tentez-la encore et encore avec joie et enthousiasme [prasanna vadanam].  Graduellement, votre mental développera la capacité d’assimiler cette sublime impérience et la dimension de l’âme.  Une fois que le mental ait pu assimiler  cette sublime impérience, il n’agira plus comme un obstacle mais se dressera plutôt comme un allié. Alors vous saurez que vous avec fait un bond décisif dans la spiritualité, ce qui vous propulsera dans l’étape ultime de Yoga: Samâdhi.

 

8.         Samâdhi:   C’est la Communion totale sans aucune dualité et sans la conscience égoïque avec L’Etre Suprême, L’Ame.  On se réalise comme La Présence Infinie et Eternelle et on est dans un état de bonheur et d’accomplissement complet [ânanda].  La Conscience est révélée dans Sa Totalité.  On s’identifie avec l’Etre.  C’est le but ultime de tout Yoga.  Du présent on est projeté dans l’OMniprésent et l’Eternité.  On est comme [iva] un soleil [Da], donc un daiva, un deva, un être illuminé et libre.   
 

A ce stade, il serait important de faire ressortir qu'à travers la méditation on ne perd son individualité que momentanément.  Mais, par-dessus tout, on acquiert la réalisation de son universalité et de sa perfection.  Donc, point de crainte.  Il n’y a rien à perdre mais plutôt beaucoup à gagner, en effet, tout à gagner.

 

 

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DHYANESHVARI-Chapitre 6 8

 

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