DHYANESHVARI

La Science de la Méditation et de la Spiritualité

CHAPITRE 2

COMPRENDRE LA MEDITATION:

D’emblée, il faut bien comprendre que La Méditation nous aide et nous prépare à faire le saut de l’extérieur à l’intérieur, de la forme à l’état qui est sans forme, des mots du mental au silence de l’être, de la matière à l’âme, du moi au Je suis, de ce qui est mortel à l’éternel, de l’illusion à la vérité en passant par le biais de l’espace intérieur de la conscience [chidâkâsha].

Ce saut extraordinaire passe par la contemplation dans le silence naturel de l’espace de la Conscience Intérieure.  La Méditation ne peut jamais réussir [siddhi] si l’on ne s’y adonne pas avec la totalité de son être.  Alors que l’on peut enseigner à quelqu’un la posture assise (Asana), la bonne respiration (Prânâyâma) et comment diriger l’esprit vers un centre de la contemplation (Trikouti), cela ne veut certainement pas signifier qu’on peut enseigner la méditation.  Car la méditation est beaucoup plus qu’une technique; c’est un art et une science que l’on apprend par soi-même de l’intérieur, en investissant la totalité de son attention, sa sensibilité et son intelligence.  C’est pourquoi certains disent qu’on ne peut pas pratiquer la méditation mais qu’on entre tout simplement dans l’état méditatif du présent.  Dans cet état méditatif du présent, il n’y a pas l’interférence du moi, du mot, de la pensée dominante avec l’expérience du moment, de la réalité.  Ici, tout est conjugué à l’infinitif sans sujet relatif, sans objet et sans la relation de sujet/objet.  Il y a respirer ou respiration; il y a penser ou pensée, il y a être [verbe et nom], il y a écouter ou attention, etc.  Il y a également parler, marcher, imaginer, apprécier, manger, boire, dormir, rêver, travailler, agir, ressentir, etc. mais pas de moi associé à ces actions. 

Il faut aussi remarquer que dans l’état méditatif, le sujet mental [moi] est absent durant la perception; il y a tout simplement l’instant qui s’ouvre et tous les évènements de l’instant qui circulent dans l’espace de la conscience.  Le mental ne verbalise pas, ne traduit pas en mots et ne juge pas en terme de ses concepts.  L’espace devient le témoin, le permetteur, le support, l’estrade des évènements de l’instant sans être affecté par eux.  La conscience est cet espace infini, qui est tout, qui contient tout, qui connaît tout et qui est au-delà de tout.

A propos de la méditation, il y a un maître qui a dit: «la toute première chose est de savoir ce qu’est la méditation.  Tout le reste suivra naturellement.  Je ne peux pas vous conduire à la méditation.  Je peux seulement vous dire ce qu’elle est.  Si vous me comprenez, vous serez en méditation; il ne peut y avoir d’obligation, d’imposition en ce qu’il s’agit de la méditation.  Si vous ne comprenez pas, vous ne serez pas en méditation.»

En effet, plusieurs explications ont été fournies par différentes personnes à propos de la méditation.  Elle est généralement considérée comme:

Pour les aspirants spirituels, la Méditation est un état de contemplation intérieure où l’humain et l’être communient dans le temple spirituel intérieur.  C’est aussi un sentiment d’unité profonde entre soi-même et l’univers à travers l’espace de la conscience.  Ce sentiment nous transforme en altérant notre vision du monde: Tout est Etre et Conscience et Tout est inexorablement régi par le Cosmos [Ishvara, Vidhâtâ].  On peut découvrir, grâce à la Méditation, sa vraie place en soi-même, parmi les autres et dans le monde.  Pour certains, la méditation peut prendre la forme d’une expansion de la conscience, graduelle ou subite, du moi à Je, du Je à Nous, et de Nous à l’Etre.  Suite à cette expansion de la conscience, intervient chez la personne une profonde transformation qui dégage un intense sentiment d’amour, de compassion et d’indivisibilité.  Agir en accord avec ce sentiment  intense signifie être en prière, Prârthanâ.  Il y un chapitre qui est entièrement consacré à Prârthanâ dans ce livre.

L’astuce dans la méditation consiste à atteindre, au-delà de la pensée fragmentée et limitée, la source même de la pensée et du moi.  Cette Source est située au delà du mental qui est constamment assailli par les mots et les images de la mémoire active personnelle .  Mais il faut toutefois souligner qu’on réalise L’Ame Divine dans sa propre conscience à travers une impérience intime et personnelle: chacun à sa manièreLa Méditation n’est en réalité rien d’autre qu’une impérience de soi-même comme Ame Infinie, Impérissable et Parfaite à travers l’espace de la pure conscience de l’être [chid âkâsha].

La vraie méditation, il faut le préciser, nous donne cette extraordinaire impérience du Soi [Self] immédiatement et directement.  Pour que cela arrive, il faut savoir pénétrer cet espace sacré et secret de la méditation.  Une méditation qui renvoie cette expérience du Soi à une date ultérieure ne peut et ne doit pas être considérée comme la méditation.  La vraie méditation est directement accessible, ce qui ne veut certainement pas signifier qu’elle soit pour autant facilement maîtrisable.  Elle devient difficile et laborieuse si on la pratique avec le mental et la pensée, et si on la réduit à une exercice de concentration, simple ou compliquée.  Pour être plus clair, la méditation est un état d’être [state of being] et non une méthode ou une simple activité du mental.  Elle est au-delà du mental, de l’imagination, de l’effort. C’est l’état naturel et éternel de toute personne vivante.

Selon les Oupanishads, qui sont l’essence des Védas, la méditation nous conduit à l’expérience de Sat-chid-ânanda.  Sat signifie Etre, Chit est Supraconscience, alors que Ananda se traduit comme Bonheur Complet.  Sat, l’Etre, l’âme, la vérité, chez une personne est le «Je Suis», la présence qui brille toujours dans l’immensité de l’ici et du maintenant.  Chit est la Supraconscience, l’attention libérée du moi ‘borné et constricteur’; c’est une attention intense sans centre, sans identification et sans borne.  Ananda est un sentiment de plénitude, de satisfaction complète.  Or, le mental ordinaire de l’homme est construit à partir des évènements du passé; il est centré autour d’un «moi», qui est le produit du passé et de l’identification de la pensée à un corps et aux expériences liées au corps.  Le mental est toujours limité, confus et perpétuellement insatisfait, inquiet et incomplet.

Le mental est construit à partir du passé et de la mémoire associés au corps; c’est un édifice, une structure qui a été mise en place par un amas d’information sensoriel.  C’est un système qui renferme et délimite la conscience infinie de l’être. L’activité prédominante du mental est la pensée, qui réduit la réalité en images et mots et en concept [en information].  La pensée, comme déjà expliquée, emprisonne la conscience illimitée, dans une prison de faux concepts, de symboles. Comment, on doit se le demander, un système d’incarcération peut-il nous libérer alors que la nature de sa fonction est de nous emprisonner?

En ce qui concerne la Supraconscience, il est important de bien comprendre ce terme.  On sait que l’individu est

-soit conscient [pendant l’état d’éveil où il s’identifie pleinement avec son corps et les expériences liées au corps],

-soit subconscient [quand il rêve soit pendant le sommeil où il est momentanément coupé avec la conscience du corps, ou même pendant l’état d’éveil quand il est absorbé dans ses pensées, désirs et rêveries],

-soit (il est) inconscient [pendant le sommeil profond où il est coupé avec la conscience du corps et le mental]. 

L’état d’inconscience est appelé causal ou causatif [kârana] car seulement la cause, la base, le fondement de toute expérience y subsiste.  Mais il n’y a pas d’expérience car il n’y a pas de sujet, ni d’objet, ni de relation sujet-objet, .  La cause est un espace où la conscience de l’éveil et du rêve est suspendue, donc un espace où la conscience est absorbée dans l’oubli, dans l’inconscient.  Or en injectant volontairement de la conscience, de l’attention, dans cet état, dans cet espace, on arrive à la supraconscience, l’état supracausal.  Ici, il n’y a pas d’identification avec le corps et ses expériences [comme cela se passe pendant l’état d’éveil] dans le monde des sensations, pas d’identification avec les activités de la pensée [comme pendant le rêve], pas d’absorption dans l’inconscience [comme pendant le sommeil profond].  Il y a une attention passive et silencieuse qui émane d'un état par delà du mental et de la pensée où rayonne la pure conscience, la base du mental et de la pensée.

L’état de la méditation, qui est supracausal [mâhâkârana], est donc une dimension où l’attention emplit l’espace causal, la source, la cause de toute expérience.  C’est dans cet espace que les trois états de conscience existent et subsistent.  Cet espace infini supracausal a été comparé dans les légendes hindoues à un océan infini subtil [kârana-udaka]. L’Etre, la Suprême Conscience, qui emplit cet océan est appelé Kârana-udakashâyi.  L’Etre est symboliquement représenté par Vishnou, l’âme infini, Nârâyana, le royaume incréé [ayana] de L’Etre Impérissable [Nârâ].  Toutes les activités de cet immense océan d’être et de conscience sont comparables à des mouvements de bulles, de courants et de vagues. Bhavam [Etre] et Bhavâni [Devenir], la danse de Shiva et Shakti.  Et pourtant les bulles, les courants d’eau et les vagues ne sont pas différents et distincts de l’océan.

Pour illustrer cette unité dans la diversité dans la conscience, observons ce qui se passe pendant le rêve.  Quelqu’un rêve qu’il est en train de nager avec ses amis dans la mer.  Tout ce rêve n’est qu’une fabrication du mental qui manipule la mémoire pour produire l’expérience du rêve.  Pendant le rêve, la conscience devient le rêveur, la mer, les amis, les vagues, les évènements, le moment, l’espace, les émotions, les sensations, et en même temps l’observation, la cognition de l’expérience.  Tout est fait de conscience.  De la même manière, pendant la méditation dans  un état de supraconscience, tout est conscience comme dans le rêve.  Sauf qu’ici il n’y a pas d’identification avec le corps et les activités du mental qui ne sont que des vagues à la surface de cet immense océan de conscience.  Ici, on est conscience, être, espace infini, la cause et le témoin de vagues conscientes, subconscientes et inconscientes qui s’élèvent, se meuvent et disparaissent dans un océan de conscience.

Ainsi pendant tous les quatre états de conscience, il n’y a qu’un seul élément qui est présent: c’est l’espace infini de l’être, de la conscience.  C’est l’espace qui contient tout, perçoit tout et surtout connaît tout sans l’usage de la mémoire, du concept, de la parole et de la pensée, donc sans barrière ni distance.  La méditation consiste essentiellement à entrer dans cet espace, à demeurer dans cet espace et surtout à être cet espace silencieux, infini, incréé, impérissable, éternel, immuable, omniscient et complet.

Pendant notre état d’éveil ordinaire, on est que très rarement conscient de l’espace.  Puisque la conscience s’identifie au corps et au mental, elle définit sa propre limite et ne voit pas l’infini.  Mais en se définissant comme espace de conscience infinie, elle réalise sa vraie nature et s'engage joyeusement dans la danse cosmique de l’Etre et du devenir, tout en sachant que sa vraie nature suprême est celle de l’Etre.  Dans cet infini océan de conscience, les vagues, les courants d’eau et les bulles ne sont pas différents et distincts de l’océan.  Il n’y a que l’océan et ses diverses activités naturelles avec ses évènements, accidents, cycles, saisons, actvités.  Toute intervention de la pensée n’est que réaction limitée du mental et ne fait que restreindre la conscience et générer des contradictions et des conflits.  L’espace de conscience infinie est essentiellement une dimension non exclusive, passive et qui, connaissant tous les éléments particuliers qui circulent en lui, ne s’identifie jamais à aucun élément particulier.  Il préserve sa nature universelle, pure, immuable, passive, parfaite et infinie.

Autre chose essentielle qu’il faut savoir à propos de la méditation, c’est l’inutilité de contrôler les pensées, les vagues d’images et de mots qui s’élèvent, s'agitent et disparaissent dans la conscience.  Essayer de contrôler les pensées est un effort futile qui ne fait que dissiper de l’énergie et provoquer inutilement un épuisement et une tension.  La pensée est une activité naturelle du mental et c’est bête et absurde de lutter contre elle.  Et puis, qui va contrôler les pensées?  Le moi, qui veut supprimer les pensées pour créer le silence, n’est qu’une pensée qui prédomine momentanément sur les éléments de la mémoire.  Le silence créé par la pensée n’est certainement pas naturel et il ne faut surtout pas confondre ce silence artificiel avec le silence naturel de l’être.  Essayer de supprimer la pensée est identique à essayer d’empêcher aux ongles et cheveux de pousser, au cœur de battre, aux oreilles d’entendre et au nez de respirer.  Dans la méditation il n’y a pas d’effort, pas de lutte, pas de conflit, pas de désir ni de but à atteindre.  Si on confond tout cela à la méditation, il n’en résultera que conflits, colère, frustration et désenchantement car on est en train d’agir contre le naturel. Cela indique une approche spirituelle immature et confuse.

Ne cherchez jamais le silence dans le mental, vous ne l’y trouverez jamais.  Le silence est un trait naturel de l’être, de l’espace infini de l’être [chid âkâsha].  Ce n’est pas le silence de la mort mais le silence vivant, riche et puissant, qu’on impérience lorsqu’on est en transe spirituelle.  Ce n’est pas un silence qui exclut le bruit; c’est un silence qui s’accommode de tout et qui n’exclut rien.

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