Demblée, il faut bien comprendre que La Méditation nous aide et nous prépare à faire le saut de lextérieur à lintérieur, de la forme à létat qui est sans forme, des mots du mental au silence de lêtre, de la matière à lâme, du moi au Je suis, de ce qui est mortel à léternel, de lillusion à la vérité en passant par le biais de lespace intérieur de la conscience [chidâkâsha].
Ce saut extraordinaire passe par la contemplation dans le silence naturel de lespace de la Conscience Intérieure. La Méditation ne peut jamais réussir [siddhi] si lon ne sy adonne pas avec la totalité de son être. Alors que lon peut enseigner à quelquun la posture assise (Asana), la bonne respiration (Prânâyâma) et comment diriger lesprit vers un centre de la contemplation (Trikouti), cela ne veut certainement pas signifier quon peut enseigner la méditation. Car la méditation est beaucoup plus quune technique; cest un art et une science que lon apprend par soi-même de lintérieur, en investissant la totalité de son attention, sa sensibilité et son intelligence. Cest pourquoi certains disent quon ne peut pas pratiquer la méditation mais quon entre tout simplement dans létat méditatif du présent. Dans cet état méditatif du présent, il ny a pas linterférence du moi, du mot, de la pensée dominante avec lexpérience du moment, de la réalité. Ici, tout est conjugué à linfinitif sans sujet relatif, sans objet et sans la relation de sujet/objet. Il y a respirer ou respiration; il y a penser ou pensée, il y a être [verbe et nom], il y a écouter ou attention, etc. Il y a également parler, marcher, imaginer, apprécier, manger, boire, dormir, rêver, travailler, agir, ressentir, etc. mais pas de moi associé à ces actions.
Il faut aussi remarquer que dans létat méditatif, le sujet mental [moi] est absent durant la perception; il y a tout simplement linstant qui souvre et tous les évènements de linstant qui circulent dans lespace de la conscience. Le mental ne verbalise pas, ne traduit pas en mots et ne juge pas en terme de ses concepts. Lespace devient le témoin, le permetteur, le support, lestrade des évènements de linstant sans être affecté par eux. La conscience est cet espace infini, qui est tout, qui contient tout, qui connaît tout et qui est au-delà de tout.
A propos de la méditation, il y a un maître qui a dit: «la toute première chose est de savoir ce quest la méditation. Tout le reste suivra naturellement. Je ne peux pas vous conduire à la méditation. Je peux seulement vous dire ce quelle est. Si vous me comprenez, vous serez en méditation; il ne peut y avoir dobligation, dimposition en ce quil sagit de la méditation. Si vous ne comprenez pas, vous ne serez pas en méditation.»
En effet, plusieurs explications ont été fournies par différentes personnes à propos de la méditation. Elle est généralement considérée comme:
-une science de lesprit
-un art mystique, difficile à comprendre
-une exploration et une expansion de la conscience
-le réveil des énergies intérieures
-la découverte de sa propre compréhension
-la répétition dun nom attribué à Dieu avec amour (Japa)
-le recueillement pour aborder la journée qui commence
-un moyen de se focaliser sur soi-même afin de découvrir les richesses intérieures faites damour, de sagesse, de joie et de paix.
Pour les aspirants spirituels, la Méditation est un état de contemplation intérieure où lhumain et lêtre communient dans le temple spirituel intérieur. Cest aussi un sentiment dunité profonde entre soi-même et lunivers à travers lespace de la conscience. Ce sentiment nous transforme en altérant notre vision du monde: Tout est Etre et Conscience et Tout est inexorablement régi par le Cosmos [Ishvara, Vidhâtâ]. On peut découvrir, grâce à la Méditation, sa vraie place en soi-même, parmi les autres et dans le monde. Pour certains, la méditation peut prendre la forme dune expansion de la conscience, graduelle ou subite, du moi à Je, du Je à Nous, et de Nous à lEtre. Suite à cette expansion de la conscience, intervient chez la personne une profonde transformation qui dégage un intense sentiment damour, de compassion et dindivisibilité. Agir en accord avec ce sentiment intense signifie être en prière, Prârthanâ. Il y un chapitre qui est entièrement consacré à Prârthanâ dans ce livre.
Lastuce dans la méditation consiste à atteindre, au-delà de la pensée fragmentée et limitée, la source même de la pensée et du moi. Cette Source est située au delà du mental qui est constamment assailli par les mots et les images de la mémoire active personnelle . Mais il faut toutefois souligner quon réalise LAme Divine dans sa propre conscience à travers une impérience intime et personnelle: chacun à sa manière. La Méditation nest en réalité rien dautre quune impérience de soi-même comme Ame Infinie, Impérissable et Parfaite à travers lespace de la pure conscience de lêtre [chid âkâsha].
La vraie méditation, il faut le préciser, nous donne cette extraordinaire impérience du Soi [Self] immédiatement et directement. Pour que cela arrive, il faut savoir pénétrer cet espace sacré et secret de la méditation. Une méditation qui renvoie cette expérience du Soi à une date ultérieure ne peut et ne doit pas être considérée comme la méditation. La vraie méditation est directement accessible, ce qui ne veut certainement pas signifier quelle soit pour autant facilement maîtrisable. Elle devient difficile et laborieuse si on la pratique avec le mental et la pensée, et si on la réduit à une exercice de concentration, simple ou compliquée. Pour être plus clair, la méditation est un état dêtre [state of being] et non une méthode ou une simple activité du mental. Elle est au-delà du mental, de limagination, de leffort. Cest létat naturel et éternel de toute personne vivante.
Selon les Oupanishads, qui sont lessence des Védas, la méditation nous conduit à lexpérience de Sat-chid-ânanda. Sat signifie Etre, Chit est Supraconscience, alors que Ananda se traduit comme Bonheur Complet. Sat, lEtre, lâme, la vérité, chez une personne est le «Je Suis», la présence qui brille toujours dans limmensité de lici et du maintenant. Chit est la Supraconscience, lattention libérée du moi borné et constricteur; cest une attention intense sans centre, sans identification et sans borne. Ananda est un sentiment de plénitude, de satisfaction complète. Or, le mental ordinaire de lhomme est construit à partir des évènements du passé; il est centré autour dun «moi», qui est le produit du passé et de lidentification de la pensée à un corps et aux expériences liées au corps. Le mental est toujours limité, confus et perpétuellement insatisfait, inquiet et incomplet.
Le mental est construit à partir du passé et de la mémoire associés au corps; cest un édifice, une structure qui a été mise en place par un amas dinformation sensoriel. Cest un système qui renferme et délimite la conscience infinie de lêtre. Lactivité prédominante du mental est la pensée, qui réduit la réalité en images et mots et en concept [en information]. La pensée, comme déjà expliquée, emprisonne la conscience illimitée, dans une prison de faux concepts, de symboles. Comment, on doit se le demander, un système dincarcération peut-il nous libérer alors que la nature de sa fonction est de nous emprisonner?
En ce qui concerne la Supraconscience, il est important de bien comprendre ce terme. On sait que lindividu est
-soit conscient [pendant létat déveil où il sidentifie pleinement avec son corps et les expériences liées au corps],
-soit subconscient [quand il rêve soit pendant le sommeil où il est momentanément coupé avec la conscience du corps, ou même pendant létat déveil quand il est absorbé dans ses pensées, désirs et rêveries],
-soit (il est) inconscient [pendant le sommeil profond où il est coupé avec la conscience du corps et le mental].
Létat dinconscience est appelé causal ou causatif [kârana] car seulement la cause, la base, le fondement de toute expérience y subsiste. Mais il ny a pas dexpérience car il ny a pas de sujet, ni dobjet, ni de relation sujet-objet, . La cause est un espace où la conscience de léveil et du rêve est suspendue, donc un espace où la conscience est absorbée dans loubli, dans linconscient. Or en injectant volontairement de la conscience, de lattention, dans cet état, dans cet espace, on arrive à la supraconscience, létat supracausal. Ici, il ny a pas didentification avec le corps et ses expériences [comme cela se passe pendant létat déveil] dans le monde des sensations, pas didentification avec les activités de la pensée [comme pendant le rêve], pas dabsorption dans linconscience [comme pendant le sommeil profond]. Il y a une attention passive et silencieuse qui émane d'un état par delà du mental et de la pensée où rayonne la pure conscience, la base du mental et de la pensée.
Létat de la méditation, qui est supracausal [mâhâkârana], est donc une dimension où lattention emplit lespace causal, la source, la cause de toute expérience. Cest dans cet espace que les trois états de conscience existent et subsistent. Cet espace infini supracausal a été comparé dans les légendes hindoues à un océan infini subtil [kârana-udaka]. L’Etre, la Suprême Conscience, qui emplit cet océan est appelé Kârana-udakashâyi. LEtre est symboliquement représenté par Vishnou, lâme infini, Nârâyana, le royaume incréé [ayana] de LEtre Impérissable [Nârâ]. Toutes les activités de cet immense océan dêtre et de conscience sont comparables à des mouvements de bulles, de courants et de vagues. Bhavam [Etre] et Bhavâni [Devenir], la danse de Shiva et Shakti. Et pourtant les bulles, les courants deau et les vagues ne sont pas différents et distincts de locéan.
Pour illustrer cette unité dans la diversité dans la conscience, observons ce qui se passe pendant le rêve. Quelquun rêve quil est en train de nager avec ses amis dans la mer. Tout ce rêve nest quune fabrication du mental qui manipule la mémoire pour produire lexpérience du rêve. Pendant le rêve, la conscience devient le rêveur, la mer, les amis, les vagues, les évènements, le moment, lespace, les émotions, les sensations, et en même temps lobservation, la cognition de lexpérience. Tout est fait de conscience. De la même manière, pendant la méditation dans un état de supraconscience, tout est conscience comme dans le rêve. Sauf quici il ny a pas didentification avec le corps et les activités du mental qui ne sont que des vagues à la surface de cet immense océan de conscience. Ici, on est conscience, être, espace infini, la cause et le témoin de vagues conscientes, subconscientes et inconscientes qui sélèvent, se meuvent et disparaissent dans un océan de conscience.
Ainsi pendant tous les quatre états de conscience, il ny a quun seul élément qui est présent: cest lespace infini de lêtre, de la conscience. Cest lespace qui contient tout, perçoit tout et surtout connaît tout sans lusage de la mémoire, du concept, de la parole et de la pensée, donc sans barrière ni distance. La méditation consiste essentiellement à entrer dans cet espace, à demeurer dans cet espace et surtout à être cet espace silencieux, infini, incréé, impérissable, éternel, immuable, omniscient et complet.
Pendant notre état déveil ordinaire, on est que très rarement conscient de lespace. Puisque la conscience sidentifie au corps et au mental, elle définit sa propre limite et ne voit pas linfini. Mais en se définissant comme espace de conscience infinie, elle réalise sa vraie nature et s'engage joyeusement dans la danse cosmique de lEtre et du devenir, tout en sachant que sa vraie nature suprême est celle de lEtre. Dans cet infini océan de conscience, les vagues, les courants deau et les bulles ne sont pas différents et distincts de locéan. Il ny a que locéan et ses diverses activités naturelles avec ses évènements, accidents, cycles, saisons, actvités. Toute intervention de la pensée nest que réaction limitée du mental et ne fait que restreindre la conscience et générer des contradictions et des conflits. Lespace de conscience infinie est essentiellement une dimension non exclusive, passive et qui, connaissant tous les éléments particuliers qui circulent en lui, ne sidentifie jamais à aucun élément particulier. Il préserve sa nature universelle, pure, immuable, passive, parfaite et infinie.
Autre chose essentielle quil faut savoir à propos de la méditation, cest linutilité de contrôler les pensées, les vagues dimages et de mots qui sélèvent, s'agitent et disparaissent dans la conscience. Essayer de contrôler les pensées est un effort futile qui ne fait que dissiper de lénergie et provoquer inutilement un épuisement et une tension. La pensée est une activité naturelle du mental et cest bête et absurde de lutter contre elle. Et puis, qui va contrôler les pensées? Le moi, qui veut supprimer les pensées pour créer le silence, nest quune pensée qui prédomine momentanément sur les éléments de la mémoire. Le silence créé par la pensée nest certainement pas naturel et il ne faut surtout pas confondre ce silence artificiel avec le silence naturel de lêtre. Essayer de supprimer la pensée est identique à essayer dempêcher aux ongles et cheveux de pousser, au cur de battre, aux oreilles dentendre et au nez de respirer. Dans la méditation il ny a pas deffort, pas de lutte, pas de conflit, pas de désir ni de but à atteindre. Si on confond tout cela à la méditation, il nen résultera que conflits, colère, frustration et désenchantement car on est en train dagir contre le naturel. Cela indique une approche spirituelle immature et confuse.
Ne cherchez jamais le silence dans le mental, vous ne ly trouverez jamais. Le silence est un trait naturel de lêtre, de lespace infini de lêtre [chid âkâsha]. Ce nest pas le silence de la mort mais le silence vivant, riche et puissant, quon impérience lorsquon est en transe spirituelle. Ce nest pas un silence qui exclut le bruit; cest un silence qui saccommode de tout et qui nexclut rien.